Le deuil ne se raconte pas facilement. Les mots manquent souvent pour décrire ce chaos intérieur, cette tempête émotionnelle que traversent les personnes qui perdent un proche. C’est précisément ce territoire difficile qu’explore Le Deuil illustré, récit analogique de François Rainville devenu un outil de référence pour les proches aidants et les intervenants en accompagnement.
Lorsque L’Appui pour les proches aidants nous a approchés pour prolonger la portée de cette œuvre, le défi était clair : transformer le livre en une mini-série animée gratuite, capable de rejoindre les personnes endeuillées là où elles se trouvent, dans l’intimité d’un écran.
Notre mandat
L’Appui nous a confié la production complète de Le Deuil animé, une série de cinq épisodes adaptant le récit de François Rainville. Notre mandat couvrait la conception de l’univers graphique du livre original, la création des illustrations en collaboration avec l’illustratrice Elisabeth T. Demers, l’élaboration du storyboard, l’animation de l’ensemble des épisodes et la direction artistique du projet.
L’objectif dépassait la simple adaptation. Il s’agissait de créer un outil de réconfort et de compréhension, accessible gratuitement aux personnes endeuillées, à leurs proches et aux professionnels qui les accompagnent.
Le défi : traduire l’indicible en images
Mettre en images la complexité du deuil pose un défi particulier. Les émotions qui traversent une personne endeuillée — le chaos initial, les vagues de tristesse, les moments de répit, les rechutes inattendues — ne se représentent pas de manière littérale. Elles appellent un langage visuel capable de suggérer plutôt que de montrer, d’accompagner plutôt que d’expliquer.
Le risque principal tenait à l’équilibre entre l’image et le mot. Le récit de François Rainville porte une force propre. Notre animation devait amplifier cette force sans jamais la supplanter. Chaque choix visuel — couleur, mouvement, rythme — devait servir le texte plutôt que rivaliser avec lui.
Un second défi concernait la diversité des publics visés. La série s’adresse autant aux personnes vivant un deuil qu’aux intervenants professionnels et aux proches aidants. Ces audiences traversent des réalités différentes. Notre traitement visuel devait toucher chacune d’elles sans verser dans le pathos ni dans la froideur clinique.

Notre approche : l’émotion au service du récit
Notre travail a débuté bien en amont de l’animation, dès la conception de l’univers graphique du livre Le Deuil illustré. Cette implication précoce nous a permis de nous imprégner profondément du récit et de construire un langage visuel cohérent entre le livre et la série animée.
« Notre objectif était de créer un univers visuel capable de refléter les émotions du récit. Chaque animation, chaque transition, chaque choix a été réfléchi pour soutenir le récit et amplifier l’impact des mots, sans jamais les éclipser. Il fallait que le mouvement serve l’émotion, et non l’inverse », explique Donald Samson, notre directeur de création.
Les illustrations d’Elisabeth T. Demers, réalisées en étroite collaboration avec notre équipe, établissent un univers à la fois doux et expressif. Les métaphores visuelles — la tempête, les rivières, les drapeaux de couleur — donnent forme aux états émotionnels décrits par l’auteur. Ce vocabulaire graphique structure l’ensemble des épisodes.
L’animation de Raphaël Laflamme, motion designer chez Wink, prolonge ce travail en ajoutant une dimension temporelle aux images. Les mouvements restent subtils, jamais spectaculaires. Une vague qui monte lentement. Un personnage qui avance pas à pas. Des transitions qui respirent. Cette retenue délibérée laisse l’espace nécessaire à l’émotion du spectateur.
La bande sonore originale composée par Antoine Bédard complète cet ensemble. La musique accompagne sans diriger, soutient sans imposer. Elle crée un écrin sonore qui amplifie l’intimité du récit.
Les voix de Mélissa Bédard, chanteuse et ambassadrice de Deuil-Jeunesse, et de Réjean Carrier, travailleur social, apportent une présence humaine chaleureuse. Leur ton réconfortant guide le spectateur à travers les cinq épisodes comme le ferait un accompagnant bienveillant.
Cinq épisodes, cinq facettes du deuil
Chaque épisode explore une dimension spécifique de l’expérience du deuil.
Ma tempête aborde le chaos initial, ce moment où tout semble s’effondrer et où les repères disparaissent. Notre animation traduit visuellement cette désorientation sans l’amplifier inutilement.
Mes moments drapeau vert, jaune ou rouge propose un outil de reconnaissance de ses propres limites. Les couleurs deviennent un langage simple pour identifier où l’on se situe dans son parcours, sans jugement.
Les rivières illustre la diversité des chemins de deuil. Chaque personne traverse cette expérience différemment, à son rythme, selon son propre cours. L’épisode normalise ces variations plutôt que d’imposer un modèle unique.
Cette structure en épisodes distincts permet une consultation modulaire. Une personne endeuillée peut regarder la série dans l’ordre ou revenir sur un épisode particulier selon ce qu’elle traverse. Un intervenant peut utiliser un épisode spécifique comme support dans son accompagnement.
Un projet ancré dans une mission sociale
Le Deuil animé s’inscrit dans la mission plus large de L’Appui : soutenir les proches aidants à travers des ressources accessibles et de qualité. En rendant la série entièrement gratuite, l’organisme garantit que les barrières financières n’empêchent personne d’accéder à cet outil de réconfort.
Les partenariats avec Deuil-Jeunesse et la Maison Michel-Sarrazin ancrent le projet dans un écosystème d’accompagnement reconnu. Ces collaborations ont assuré que notre contenu réponde aux standards des professionnels du deuil tout en restant accessible au grand public.
La diffusion hebdomadaire — un épisode par semaine — crée un rendez-vous régulier qui respecte le rythme des personnes endeuillées. Cette temporalité évite la surcharge émotionnelle d’un visionnage intégral tout en maintenant un fil conducteur sur plusieurs semaines.
Ce que ce projet nous a appris
Travailler sur Le Deuil animé a renforcé notre conviction : les sujets les plus sensibles méritent la même exigence créative que n’importe quel autre projet — et souvent davantage.
L’équilibre que nous avons trouvé entre l’émotion du récit et la retenue de l’animation permet à chaque spectateur de s’approprier le contenu selon sa propre expérience. Les métaphores visuelles — la tempête, les rivières, les drapeaux — offrent désormais aux intervenants et aux proches aidants un vocabulaire partagé pour aborder des émotions difficiles à nommer.
Ce projet illustre ce que nous croyons profondément : lorsque la forme respecte le fond, lorsque la création se met au service d’une mission, l’impact se démultiplie.
Crédits
Client : L’Appui pour les proches aidants Production, adaptation et animation : Wink Stratégies Direction de création : Donald Samson Animation : Raphaël Laflamme Illustration : Elisabeth T. Demers Musique originale : Antoine Bédard Concept et textes : François Rainville Voix : Mélissa Bédard et Réjean Carrier Partenaires : Deuil-Jeunesse, Maison Michel-Sarrazin
