Dès début 2020, dans notre article sur les tendances webmarketing de l’année, nous évoquions l’impact écologique du web en pressentant qu’une prise de conscience sur le sujet était progressivement en train de changer nos habitudes de consommation, mais aussi nos métiers de professionnels du numérique. La pandémie est passée par là, engendrant un confinement qui nous a poussé à nous appuyer encore plus sur l’écosystème numérique pour travailler, consommer, nous divertir et entretenir notre vie sociale. Il n’est plus possible de détourner les yeux: réduire son impact écologique sur internet est devenu une priorité de notre temps, et nous devons prendre nos responsabilités en tant que citoyens, qu’internautes et que professionnels.
L’empreinte environnementale de l’écosystème numérique
Fin 2019, l’ADEME estimait dans son excellent guide sur la face cachée du numérique que l’usage d’internet était responsable de 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et que cela devrait doubler d’ici 2025. En termes de consommation d’électricité ce n’est pas mieux: on estimait mi-2018 que les infrastructures liées à Internet (soit ordinateurs, data centers, réseaux…) représentaient 10% de la consommation mondiale d’électricité.
La pollution numérique est un enjeu qui se présente tout au long du cycle de vie des produits électroniques:
1. Fabrication et transport
Les appareils numériques (ordinateurs, téléphones, mais aussi serveurs, objets connectés, etc.) sont fabriqués à partir d’un certain nombre de matières premières rares et non renouvelables, notamment la silice ou les éléments de la famille des lanthanides. L’industrie du numérique contribue directement à l’épuisement de certaines ressources naturelles, sans mentionner que les techniques d’extraction de différents métaux utilisés sont particulièrement destructrices et nocives pour l’environnement.
La phase de fabrication de nos différents appareils nécessite une consommation importante d’énergie, et leur transport jusqu’au consommateur final s’ajoute à leur empreinte écologique.
2. Utilisation
La consommation d’électricité liée à l’utilisation des équipements numériques est imputable à trois sources:
- Les terminaux, donc les différents ordinateurs, objets connectés, téléphones, écrans…qui consomment de l’énergie même en veille.
- Les data centers, ces immenses structures regroupant des millions de serveurs qui stockent, transmettent et calculent des données, sont alimentés électriquement. Les systèmes de climatisation et de refroidissement représentent jusqu’à la moitié de la consommation énergétique (cela explique pourquoi il s’en construit de plus en plus au-delà du cercle polaire, notamment en Norvège). Le Québec est aussi devenu un pôle mondial, avec près de 45 data centers qui y sont installés.
- Les réseaux (antenne relais, routeurs, box…) sont aussi très gourmands en énergie. Prenons l’exemple des box: selon une étude “60 millions de consommateurs”, elles consommeraient autant qu’un grand réfrigérateur. On estime aussi qu’elles représenteraient à elles-seules 1% de la consommation électrique française.
Pour les data centers et les réseaux, il existe une vraie problématique de surdimensionnement: les structures sont faites pour pouvoir absorber des pics d’utilisation, mais sont sous-utilisées la majorité du temps… pendant lequel elles continuent de consommer de l’énergie.
3. Déchets
Les déchets d’appareils numériques ont une empreinte environnementale particulièrement élevée: complexes et très peu éco conçus, ils sont compliqués à recycler. En Europe, on estime que seuls 18% des métaux de nos ordinateurs portables sont récupérés. Les autres contaminent l’environnement (souvent dans des décharges sauvages, au Ghana ou en Inde) avec les métaux et terres rares qui les composent.
Réduire son impact écologique sur internet en tant que particulier
Comme pour les autres aspects de l’activité quotidienne (transport, alimentation, etc.), les pratiques individuelles ont un impact déterminant sur l’impact écologique de chacun. Voici quelques suggestions pour réduire son impact écologique sur internet:
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Allonger la durée de vie de ses appareils électroniques
Pour limiter son empreinte écologique liée à la fabrication, au transport et à la gestion des déchets électroniques, la meilleure solution est tout simplement d’en consommer moins. Pour cela, on peut:
- Faire en sorte de conserver nos terminaux le plus longtemps possible, en évitant de les remplacer quand ils sont encore fonctionnels ou qu’ils pourraient être réparés. On peut aussi les préserver lorsqu’ils fonctionnent en les entretenant bien, notamment en les dotant de protection contre les virus et logiciels malveillants.
- Ne pas multiplier les terminaux objets connectés, ce qui nécessite de repenser notre mode d’achat et de consommation. On évite d’acheter sur un coup de tête ou à l’occasion d’une offre promotionnelle. Pour diminuer son empreinte, mieux vaut rester minimaliste en termes d’appareils électroniques, en achetant uniquement du matériel adapté à nos besoins réels.
Lorsque vous devez vous séparer d’un appareil encore fonctionnel, pensez aux solutions de réemploi: don, vente d’occasion, etc. Et si l’appareil n’est plus en état de marche, ne le conservez pas chez vous. Vous pouvez le rapporter chez un revendeur ou le déposer dans des bornes de collectes spécifiques (à trouver par exemple sur le site d’Ecosystem) pour qu’ils puissent avoir une chance d’être recyclés. Pour vos achats, pensez aussi au reconditionné pour ne pas systématiquement acheter de produit neuf.
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Rationaliser leur consommation d’énergie
Pour agir sur sa consommation énergétique lors de l’utilisation (ou non) des terminaux, il existe quelques astuces:
- Penser à éteindre ses appareils: pour plus d’une heure d’inactivité pour votre imprimante, ordinateur ou console, éteignez-les au lieu de les mettre en veille. Vous pouvez regrouper un certain nombre d’appareils sur une multiprise, que vous éteignez quand vous ne les utilisez pas (car certains appareils éteints consomment tout de même). Cela vaut aussi pour l’alimentation de la box internet, même si le redémarrage peut prendre plusieurs minutes. Pensez aussi à débrancher vos chargeurs de la prise murale quand vos appareils ne sont pas en charge.
- Limiter le nombre de fonctions, programmes et onglets inutilisés. Sur votre téléphone ou votre tablette, désactivez les fonctions Bluetooth, Wifi ou géolocalisation lorsque vous ne vous en servez pas, ou utilisez le mode “Avion”. Sur votre navigateur, évitez de multiplier les onglets, ou utilisez une extension qui vous permette de mettre en veille les onglets inutilisés pendant un certain temps (par exemple The Great Suspender). De façon générale, fermez les programmes inutilisés sur vos appareils.
- Régler ses appareils en mode “économie d’énergie”. Les appareils électroniques sont de plus en plus dotés de ce type de modes, n’hésitez pas à les utiliser. Vous pouvez aussi régler la luminosité de votre écran, et paramétrer l’activation des écrans de veille pour diminuer la consommation énergétique.
- Choisir l’appareil adapté à son besoin. Selon le guide l’ADEME, une recherche d’une minute consomme 100 watts sur un ordinateur fixe, 20 watts sur un ordinateur portable, quelques watts sur une tablette, et encore moins sur un téléphone. Si vous disposez de plusieurs appareils, mieux vaut avoir le réflexe d’utiliser le moins gourmand en fonction de son besoin.
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Mieux gérer ses courriels
Chaque courriel a un poids, et est stocké sur un serveur dans un data center. En prendre conscience permet d’adopter un comportement plus rationnel et écologique avec ses mails:
- Faire le tri régulièrement. Pour alléger les data center, pensez à trier vos courriels. On peut déjà commencer par les spams et les newsletters (on en profite pour mettre des filtres et se désabonner), mais aussi tous les courriels inutiles. Le plus simple est de faire le ménage sur une base régulière, ou même de les supprimer au fur et à mesure.
- Optimiser ses envois. On cherche à limiter le nombre et le poids des courriels, pour cela on adopte les bons réflexes suivants:
- Cibler les destinataires
- Supprimer les pièces jointes en répondant
- Optimiser la taille des pièces jointes, et privilégier les sites de dépôt temporaires, dont les données sont nettoyées après quelques jours.
- De façon générale, se passer des courriels qui ne sont pas nécessaires (pour communiquer avec un collègue dans l’open space par exemple).
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Repenser ses réflexes de recherche
Les requêtes sur les moteurs de recherche consomment de l’énergie. Une estimation largement partagée est que chaque requête Google produirait 7g de CO2. On comprend mieux pourquoi en se remémorant le chemin effectué lorsque l’on effectue une recherche:
Source: La face cachée du numérique, ADEME, Novembre 2019
Alors comment faire pour diminuer son nombre de requêtes et accéder aux informations de façon plus économe ?
- Taper directement l’adresse d’un site quand vous la connaissez
- Utiliser son historique de navigation pour retrouver un site
- Créer des favoris pour retrouver facilement les informations.
- Lors d’une recherche, utiliser la requête la plus précise possible pour limiter la sollicitation des serveurs du moteur de recherche.
- Vider régulièrement son cache de navigateur
A noter qu’il existe des moteurs de recherches qui s’inscrivent dans une démarche écologique intéressante, comme Ecosia ou Lilo.
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Stocker ses données intelligemment
Le stockage sur le Cloud donne peut-être l’impression d’avoir accès à un espace de stockage infini et entièrement dématérialisé, mais il n’en est rien. Les données s’accumulent dans les data centers et consomment de l’énergie.
- Faire le tri. Comme pour les courriels, la première étape est de ne conserver que ce qui est utile à stocker, et de répéter l’opération régulièrement.
- Privilégier le stockage local. Disques dur externes et clés USB sont autant de moyens d’économiser des allers-retours énergivores entre utilisateurs et serveurs, tout en allégeant les data centers.
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Rester parcimonieux avec la vidéo
Les vidéos en ligne font partie de notre quotidien d’internaute, à tel point qu’elles représenteraient 60% du flux mondial de données. Pour la consommer plus raisonnablement, on peut:
- Adapter sa résolution à l’écran utilisé: pas besoin d’une résolution HD sur un téléphone, une résolution moins importante et moins consommatrice peut suffire.
- Désactiver la lecture automatique des vidéos sur les applications et sites quand c’est possible.
- Pour la musique, privilégier le streaming audio uniquement, cela évite de charger des vidéos qui ne sont pas regardées.
- Ne pas laisser tourner Netflix ou YouTube quand vous ne les regardez pas. Ces 2 plateformes représenteraient respectivement près de 15 et 11% de la bande passante mondiale. De façon générale, quand c’est possible, il vaut mieux télécharger les vidéos que l’on a l’intention de regarder (voire re-regarder).
La responsabilité des professionnels du numérique
Les conseils énumérés ci-dessus permettent au particulier de diminuer son impact écologique sur internet, mais comme pour tous les autres secteurs (transport, alimentation…), la transformation doit aussi venir des pouvoirs publics et des entreprises du numérique.
Après tout, même avec le meilleur entretien et le meilleur usage de ses appareils, ce n’est pas le consommateur qui définit la façon dont il est produit, l’organisation de la filière de recyclage, ou la mise à jour qui va rendre son appareil inutilisable dans une logique d’obsolescence programmée. Sa conscientisation et son engagement en tant que citoyen et que consommateur sont bien sûr fondamentaux pour permettre de faire évoluer l’écosystème numérique vers des pratiques plus écologiques, mais les entreprises du numérique ont aussi leurs responsabilités.
Les initiatives par et pour les professionnels se multiplient pour s’emparer du sujet. La communauté GreenIT.fr par exemple regroupe des acteurs du numérique qui s’intéressent aux démarches plus respectueuses et plus globalement à “un avenir numérique alternatif”. Le site web propose de très nombreux contenus, notamment la passionnante étude “Empreinte environnementale du numérique mondial” datant de septembre 2019.
L’un des aspects mis en lumière est le fait que l’impact des réseaux et des data centers ne doit pas être minimisé par rapport à celui des utilisateurs, surtout en ce qui concerne l’utilisation des appareils.
Source: Empreinte environnementale du numérique mondial, GreenIT.fr, Septembre 2019
Ce rapport formule quatre grandes recommandations pour réduire significativement l’impact écologique de l’écosystème numérique:
- Réduire le nombre d’objets connectés en favorisant leur mutualisation et leur substitution et en ouvrant leurs APIs.
- Réduire le nombre d’écrans plats en les remplaçant par d’autres dispositifs d’affichage: lunettes de réalité augmentée / virtuelle, vidéo projecteurs LED, etc.
- Augmenter la durée de vie des équipements en allongeant la durée de garantie légale, en favorisant le réemploi, et en luttant contre certaines formules d’abonnement.
- Réduire les besoins des services numériques via leur écoconception.
Ces recommandations, détaillées dans le rapport, visent avant tout les grands acteurs de l’industrie et les pouvoirs publics, qui ont beaucoup à faire pour rationaliser et réglementer l’écosystème.
Ce n’est pas pour autant que les autres professionnels du numérique n’ont pas leur marge de manœuvre pour contribuer à un diminuer l’impact écologique d’internet.
Bonnes pratiques de conception de sites web
En tant qu’agence de communication concevant des sites web, nous essayons, au-delà de la conscientisation, de nous interroger sur ce nous pouvons changer, à notre échelle, dans notre façon de créer et de promouvoir la visibilité des sites web pour nos clients.
Voici les guides principaux à prendre en compte pour les étapes de la conception d’un site internet qui ait l’impact écologique le plus bas possible, issus notamment des recommandations de l’ADEME dédiées aux professionnels.
1. Un webdesign économe
Un webdesign économe a pour objectif de minimiser les requêtes faites au serveur lors de l’utilisation du site, ainsi que son poids global:
- Éviter les fonctionnalités inutiles pour se concentrer sur les besoins réels des utilisateurs
- Éviter les animations et ressources gourmandes
- Éviter les designs impliquant un déclenchement automatique des vidéos incluses dans le site
- En général, préférer les objets graphiques en CSS plutôt que les images
- Créer des parcours utilisateurs les plus directs possibles pour minimiser le chargement de nombreuses pages et le temps passé sur le site
- Favoriser les polices standard et une harmonie entre les différentes pages pour éviter des chargements répétés
- Prendre en compte les différentes recommandations d’accessibilité des contenus (adaptabilité sur les différents appareils, compatibilité navigateurs, etc.)
2. Un code synthétique et efficace
De façon générale, ces règles rejoignent sur de nombreux aspects les problématiques de performance: plus un site est léger et codé de manière synthétique, moins les requêtes sont nombreuses, plus il est performant et économe. Cela implique notamment de:
- Privilégier l’utilisation de technologies open source
- Limiter le poids du site en optimisant la taille des fichiers et en limitant les plug ins
- Adapter les éléments chargés et leur poids selon le format d’appareil
- Optimiser la taille des médias du site
- Minimiser le nombre de requêtes SQL (notamment exclure les requêtes des boucles itératives)
- Mettre en place un système de cache pour l’accès à la base de données
- Optimiser les conditions d’itération pour minimiser le nombre de traitements par le serveur
- Supprimer le Javascript redondant
- Eviter le code similaire sur une même page ou entre les pages
- Mettre le favicon en cache
- Adapter la taille des vidéos aux appareils
- Éviter de redimensionner les images dans code HTML pour éviter le chargement inutile d’une image plus grande
- Si des envois de courriels sont prévus, privilégier le texte brut au HTML, surtout si les envois sont fréquents / nombreux
3. Un hébergement pragmatique
L’hébergement du site peut lui aussi être optimisé pour avoir un impact écologique moindre:
- Choisir un hébergement dans le pays du public cible principal, et privilégier un hébergeur mettant en place des mesures d’efficacité énergétique, voire l’utilisation d’énergies vertes
- Optimiser les logiques de mise en cache
- Optimiser le traitement par le serveur des scripts et programmes en langages interprétés pour limiter le temps d’exécution.
Finalement, réduire son impact écologique sur internet revient, comme pour les modes de consommation énergivores et polluants (transports, alimentation…) à prendre conscience de son usage pour adapter son comportement individuel, et en tant que citoyen et que consommateur, à inciter les pouvoirs publics et l’industrie à évoluer.
En tant que professionnels du web, nous avons aussi notre responsabilité, et nous souhaitons contribuer à notre échelle pour créer des sites avec un impact écologique moindre. Si vous avez un projet de site et que vous souhaitez en savoir plus sur notre engagement et notre méthodologie, n’hésitez pas à nous contacter.